Montebourg : cette petite phrase qui dit tout

Montebourg : cette petite phrase qui dit tout

Provocation ? Non... C'est pas son genre !

Un délice de double sens se trouve au milieu des propos échangés mercredi à Bercy lors de la passation de pouvoir entre Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron, le nouveau locataire des lieux.

« Il faut savoir quitter la scène quand on ne sait pas jouer plus longtemps la comédie »

En prononçant cette phrase, Arnaud Montebourg quitte son costume de ministre de l’Économie, du Redressement Productif et du Numérique, tout en donnant le bâton pour se faire battre : après deux ans au gouvernement, son bilan tient en effet plus de la fiction que du réel et à défaut d’avoir été le sauveur de l’économie nationale, il sera pour longtemps l’auteur de plusieurs répliques cultes.

En extase devant le miracle industriel français.
Dr Montebourg au chevet de notre industrie

Chargé de stopper les fermetures d’usines, de relancer la production et de redynamiser l’industrie française, il laisse un bilan mitigé. Malgré quelques succès notoires, comme l’usine PSA d’Aulnay-sous-bois, 263 usines ont fermé l’an passé, soit seulement quatre de moins qu’en 2012. Pendant son passage à Bercy, il y a eu 296 créations d’usines pour 639 fermetures… La production industrielle a quant à elle diminué de 2% entre l’été 2013 et l’été 2014.

En constante représentation, le « comédien » a toutefois, par ses opérations de communication, redynamisé une industrie vieillissante. Derrière l’homme en marinière Armor Lux et robot-mixeur Moulinex à la main se cache par exemple l’initiateur de la Nouvelle France industrielle et ses projets d’avenir : développement d’un nouveau TGV, de la biotechnologie médicale ou des matériaux verts et organisation de shows qui présentaient à Bercy des innovations bien de chez nous. Arnaud Montebourg incarnera pendant longtemps l’esprit du « Made in France ».

La fameuse classe française
 Cocorico 

Quitte à parfois effrayer nos partenaires étrangers. Sa proposition de nationaliser temporairement Florange ou son opposition au rachat de Dailymotion par Yahoo! ont marqué clairement le retour de l’État interventionniste. Même refrain lors de la publication au printemps du décret Alstom, qui élargit le droit de veto de l’État sur les investissements étrangers visant les secteurs stratégiques français. Les libéraux s’en sont étranglés ; Florange est toujours à l’agonie ; Dailymotion est encore à la recherche de financements pour grandir et General Electric a finalement acheté Alstom. Pire, pour garder la face, l’ex-ministre a poussé l’État à entrer au capital d’Alstom. Une opération que les contribuables ont été obligés de payer au prix fort en rachetant les actions de Bouygues…

Mais le ministre n’en était pas à sa première intervention choc. C’est même au travers de ses punchlines qu’il a forgé son personnage.

La dernière en date, à l’encontre de la politique économique de François Hollande, lui a coûté son poste. Mais les plus marquantes visent le président directement : « il ment tout le temps » confiait Arnaud Montebourg au journaliste Valentin Spitz, auteur d’un livre à paraître le 10 septembre prochain sur l’ex-ministre. « Tu vas couler avec Hollande » aurait-il asséné à Manuel Valls le weekend dernier, lors d’un dernier entretien décisif. Une animosité qui ne date pas d’hier : « Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut. C’est son compagnon » disait-il déjà en 2006, alors qu’il était porte-parole de la candidate malheureuse à l’élection présidentielle.

Il se permet même de marcher devant lui
Il se permet même de marcher devant lui

Sur le plan politique, la prise de position du weekend dernier n’était pas la première allant à l’encontre du cap général fixé par le président et les socialistes : sur le plan énergétique par exemple, il n’a pas hésité à qualifier le nucléaire de « filière d’avenir » et a pris position en faveur de la recherche d’un moyen d’exploitation du gaz de schiste non-polluant.

Arnaud Montebourg cultive son image de grande gueule sincère qui sait manier la provocation, allant jusqu’à estimer être « beaucoup plus socialiste que les socialistes ». « Je suis tout à fait net avec ça. Pourquoi partirais-je ? C’est à eux de s’améliorer » allait-il même dire à Valentin Spitz. La sincérité, il la conseillait d’ailleurs à Emmanuel Macron comme « meilleure arme politique ». Mais cette dernière peut se retourner contre vous.

Grand acteur, Arnaud Montebourg est aussi à son aise lorsqu’il s’agit de bluffer. Malheureusement, cela ne passe pas toujours inaperçu. Au printemps 2013, au moment de tirer un premier bilan de son action, il travestissait sans sourciller la vérité.

Parlant de 85% des emplois menacés sauvés depuis 2012, il omettait de dire que ces chiffres ne concernaient que les dossiers effectivement traités par ses services. Si 65 000 emplois ont été épargnés, le ministre tire sa statistique d’un total de 76 000 emplois menacés, alors qu’ils étaient en réalité 260 000 ! De 85%, on passe à 25%…

Petit filou.

Vacances en famille
Vacances en famille

Alors, avant que son rôle de ministre sans résultat ne lui colle trop à la peau, Arnaud Montebourg a préféré quitter la scène. Pourtant, l’ex-ministre se voit déjà dans un nouveau rôle : « Je vais prendre exemple sur Cincinnatus, qui préféra quitter le pouvoir pour retourner à ses champs et à ses charrues. Je vais retourner travailler avec les Français » déclarait-il lors de la passation de pouvoir. La référence au général romain légendaire du Ve siècle avant J.-C, redevenu fermier par dégoût de la politique et rappelé par le peuple tel un héros en temps de crise n’est pas anodine

Parti pour cultiver dans l’ombre son prochain rôle de présidentiable en 2017, il était temps pour Arnaud Montebourg de tirer le rideau. La comédie a assez duré.

 

Pour un bilan détaillé de l’action d’Arnaud Montebourg, c’est ici.

Source photo : Flickr / PS – Le Parisien Magazine

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

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