Bachar el-Assad grand gagnant de la crise en Irak?
Alors que l’Etat islamique (ex-EIIL) vient de s’autoproclamer califat et que la situation en Irak est plus que jamais incertaine, certains acteurs du conflit pourraient récupérer cette crise à leur profit.
On peut par exemple penser à l’Iran, jusque-là au ban de la communauté internationale et qui semble aujourd’hui l’une des rares forces capables de s’opposer à l’avancée des djihadistes. Mais c’est surtout Bachar el-Assad qui a une carte à jouer. Allié de la République islamiste iranienne, le régime syrien alaouite a multiplié les frappes aériennes contre les forces de l’EIIL dans l’ouest de l’Irak.
L’implication des loyalistes syriens ajoute un nouveau degré de complexité dans ce conflit. On imagine facilement une réaction commune des forces de l’arc chiite qui passe par Téhéran, Bagdad et Damas, face aux djihadistes sunnites. Mais bien que le Premier ministre irakien al-Maliki a salué ces frappes, qui soulagent les forces gouvernementales en déroute, Bachar el-Assad ne devrait pas être en mesure de contrer l’avancée de l’EIIL en Irak alors que ses troupes sont incapables de reprendre le dessus en Syrie.
Gagner le soutien des Occidentaux
Là où la crise actuelle sert les intérêts du dictateur syrien, c’est qu’elle légitime plus ou moins l’argumentaire qu’il a déployé depuis plus de trois ans et le début de cette guerre civile : lui et ses partisans se battent contre des terroristes et ce qui est présenté en Occident comme une révolte légitime face à un régime autoritaire n’est qu’une offensive djihadiste. Bien qu’il reconnaisse l’aspect dictatorial de son pouvoir, il est le seul capable de maintenir l’ordre en Syrie et de protéger les minorités chiites et chrétiennes.
Il en faudra cependant plus pour convaincre la communauté internationale, à commencer par les Etats-Unis qui ont condamné toute intervention syrienne en Irak et viennent de débloquer une enveloppe de 600 millions de dollars pour les rebelles syriens modérés, qui combattent eux aussi les forces de l’Etat islamique. Mais Washington est dans une position délicate : soutenir ainsi la rébellion affaiblirait le régime de Bachar mais renforcerait l’EIIL. Au contraire, la recherche de soutiens face au péril djihadiste pourrait alléger la pression internationale qui pèse sur Damas mais reviendrait à abandonner l’opposition syrienne.
La solution réside plus que jamais dans un cessez-le-feu entre loyalistes et rebelles modérés qui permettrait à tous de se concentrer dans la lutte contre les djihadistes. Bachar el-Assad aurait tout intérêt à un tel accord et semble prêt à négocier. Il a déjà cédé par le passé, en autorisant par exemple les Nations-Unies à neutraliser son stock d’armes chimiques, une mission couronnée de succès qui vient de s’achever cette semaine. Reste à savoir si l’opposition sera dans les mêmes dispositions. Les 162 000 victimes de la guerre civile ne font pas pencher la balance en ce sens.
Crédit Photo : thierry ehrmann & @deSyracuse