Les filles : laquelle d’entre vous n’a pas déjà eu recours à la fameuse « journée shopping » pour espérer aller mieux lors d’une triste journée ? Oui, vous les connaissez bien, ces journées où rien ne va ; où on se lève, on passe devant notre miroir et… on regrette fortement d’y être passée ; où la seule « personne » qu’on ne déteste pas c’est notre chat.
Alors vous pensez que la solution serait de prendre l’air, sortir un peu, se faire plaisir en s’achetant de nouvelles fringues… Oui, mais attention, le shopping est un médicament à consommer avec beaucoup, beaucoup de modération. Vous n’êtes pas convaincue ? Lisez ce qui suit.
Il est temps de révéler les véritables effets de la mode sur les filles. Car la mode c’est un peu ça, on l’aime parce qu’on attend d’elle qu’elle nous fasse se sentir mieux, mais on la déteste car elle nous donnes des illusions. Elle a ses bons et ses mauvais côtés, mais il semble qu’on passe plus de temps à en supporter les mauvais.
Une récente étude américaine a soulevé le question de ces filles prêtes à tous les sacrifices pour plaire et se plaire à elles-même. Menée auprès d’une majorité de femmes, elle en conclut que la maxime « pour être belle il faut souffrir » est bel et bien ancrée dans l’esprit de la gente féminine.
Et cette quête du style a un prix bien plus élevé qu’un Birkin Hermès : le moral. Pourtant, la première chose à laquelle on pense quand on a le moral dans les chaussettes c’est :
Tiens, mon dressing est aussi morne que mon existence, une session shopping s’impose !
Et là, c’est comme si on avait choisi d’avaler une tablette entière de chocolat pendant un régime, au prétexte que le chocolat ne fait pas grossir ! Un paradoxe… Une erreur d’évaluation assez étrange, typiquement féminine, qu’il faut hélas bien admettre.
Pourtant, qui n’a pas déjà pensé à ce subterfuge pour balayer les gros nuages flottant au-dessus de sa tête ?
Dans l’esprit d’une passionnée de mode, une « modeuse », le shopping fait l’effet d’un prozac. Il est même plus efficace : le médicament se dissout dans le corps au fil des heures, alors que les vêtements (et les euros dépensés) restent bel et bien là dans la penderie (et malheureusement pas sur le compte en banque).
Mais pourquoi la modeuse vénère t-elle autant le shopping? A-t-il vraiment un effet bénéfique sur le moral ? Et bien, pour en savoir plus, j’ai enfilé une paire de baskets, mon si pratique cabas fourre-tout à paillettes à l’épaule et direction les magasins. A l’entrée, une pointe d’excitation envahit mon esprit, vous savez, cette excitation que nous les filles, on ressent quand on va franchir les portes d’un magasin, notre soit disant « temple du bonheur ». Et bien, si à ce moment là, mon moral était encore supportable, le soir, il n’en était plus de même .
De cette journée, j’en ai surtout retenu une chose : comme tout médicament, le shopping a bien des effets secondaires, plutôt négatifs, que l’on ne prend pas la peine de regarder. Et il semblerait que la modeuse aime ses effets néfastes…
Elle aime se faire ruiner
9h. Sur le palier.
C’est bien connu, la modeuse, c’est une fille réfléchie, équilibrée, sage, rationnelle et responsable. Une calculatrice née. Elle ne vit pas dans l’excès et prend soin de finir sa fin du mois en beauté. Elle n’a pas une armoire pleine à craquer, une salle de bain débordante de produits de beauté, le frigo vide à cause d’une paire de chaussures ayant bouffé tout son mois de salaire, un chat en fin de vie qui réclame ses croquettes devant une gamelle tristement vide…Elle sait gérer sa vie quoi !
Alors avant de sortir de chez elle, elle check son portefeuille : « Hmm, il me reste deux cent euros, très bien, cent euros pour la sublime robe en cuir Zara (indispensable pour avoir « l’air » d’une bombasse samedi soir) et le reste pour la fin du mois. Parfait ! Que c’est facile de gérer son budget, je me suis peut-être trompée de vocation, j’aurai dû faire analyste financière, maman avait raison… »
Comment expliquer ce comportement dangereusement irrationnel (selon les économistes il s’agirait plutôt là d’un crime contre les lois de l’épargne, passible de plusieurs années de dédain intellectuel) : « L’achat est une partie constitutive de l’identité, j’achète ce que j’aimerai être » affirme-t-on en école de commerce. La modeuse achète une « personnalité sociale » : en mettant cette robe, elle aura l’air sexy et audacieuse, elle aura l’air… d’une autre. C’est ce qui pousse la modeuse à être à découvert : elle n’aura surement pas de quoi se payer un verre samedi soir, mais peu importe puisque ça sera son compagnon de soirée qui s’en chargera, la robe en cuir aura fait son effet ! Et oui, c’est tout sagement calculé.
Elle aime se faire maltraiter
11h. Dans la cabine d’essayage
On dirait qu’elle aime vraiment ça, les regards froids, les commentaires déplaisants à voix haute ou l’indifférence calculée. Plus la vendeuse d’un magasin est hautaine et dédaigneuse, plus elle aura envie d’acheter le produit. C’est comme si elle entrait en guerre avec elle : ce pull pailleté à col rond semble ne pas lui aller à merveille, pourtant la modeuse s’acharne devant le miroir à scruter son image sous tous ses angles, défiant le regard critique de la vendeuse :
Je ne veux pas sembler indiscrète, mais ce pull ne flatte pas votre image, dit-elle, d’un air ennuyé.
Ah bon, pourtant je trouve qu’il me va à merveille, je le prends !
Pff, pour qui elle se prend, elle ne doit pas être épanouie dans sa vie, elle.
Peu importe l’avis de la vendeuse, la modeuse se laisse rudoyer pour montrer que elle, elle est bien au-dessus de tout cela, et que la classe passe non seulement par les vêtements mais aussi par l’attitude. Il faut en sortir la tête haute, un shopping bag à la main et un air de satisfaction maléfique. Peu importe le pull au final, le tout c’est de ne pas sortir les mains vides, le visage perdant, humilié et dépressif.
Elle aime s’épuiser
12h. Dans la file d’attente.
Pas besoin d’un abonnement à la salle de sport. Faire les boutiques, c’est parfois pire que de se lancer dans un jogging déchainé. Déjà, les rayons sont un véritable ring de box : coup d’épaule, coup de sac, coup de genou. Courir par ci, courir par là. Aller chercher une veste en rayon, reposer cette veste en rayon. Se déchausser pour essayer un talon, renfiler ses ballerines (bien plus confortables au final). Le summum de l’affrontement, et de l’épuisement, est atteint pendant les soldes, où se créer un passage pour atteindre tout simplement un article devient une mission quasi impossible.
Ensuite, il y a la file d’attente pour les essayages. Là, l’activité physique est plus soft, la modeuse bouge moins mais elle gaine quand même ses jambes par une position de yoga assez douloureuse : rester debout pendant… très longtemps. Cette position de gainage permet de renforcer les jambes de la modeuse qui, en fin de journée, seront bien gonflées et douloureuses. Pas besoin d’aller à son cours de gym le soir.
Elle aime se priver
13h. Pause déjeuner.
Après toute cette activité frénétique, il faut bien reprendre des forces.
Assise en terrasse, la modeuse commande son déjeuner : salade, coca light, yaourt au fruit rouge. Un repas léger, un grand classique pour se sentir belle et glisser avec facilité dans les vêtements. Le ventre encore vide, la modeuse quitte le restaurant rassurée, fière, l’esprit libéré de toute culpabilité. Et pourtant…
Excusez-moi, vous ne l’auriez pas en une taille au-dessus s’il vous plait ?
Cette phrase est surement plus commune que l’inverse, car c’est maintenant connu, la mode agit tel un dictateur qui impose ses règles et nous donne des ordres de grandeur : la beauté est réduite à une taille, à un chiffre, une mensuration. Et on tombe toutes dans ce piège, où l’on croit que minceur est synonyme de bonheur.
Oui bien sur il me reste plein de tailles au dessus, elles ne partent pas facilement, elles.
Arf ! Au diable la salade…
C’est à ce moment précis qu’elle regrette le pot de glace d’hier soir (mais elle avait mal à la gorge, le froid soulage le mal de gorge, c’est connu !) ou la tarte aux pommes caramélisées du matin (le matin, les médecins disent qu’on peut tout manger, car on brûle plus !).
Enfin, excuses ou pas, elle a besoin d’une taille plus grande car ses fesses ne rentrent pas dans cette jupe taille crayon vraiment classe, et elle a aussi besoin d’un coach sportif, et d’une diététicienne, et d’un psy, et d’une épaule sur laquelle pleurer finalement…
Elle aime se faire arnaquer
18h. Dans la rue.
La nuit commence à tomber, et en cette journée d’automne le froid se fait sentir. Dernier achat de la journée pour affronter le grand froid, une doudoune, mais une vraie, de bonne qualité, celle toute en plumes d’oie et fourrure, qui tient bien chaud. Hors de question de se peler les fesses.
Il y en marre des matières low cost qui grattent de partout et les centaines de peluches qui surgissent au bout de deux lavages, on a beau les couper soigneusement, elles se multiplient férocement pour transformer le manteau en un champ d’après guerre.
À premier vue, la doudoune semble justifier son prix (stratosphérique), sa fourrure est douce, chaude et apporte une touche glamour à la silhouette. La marque est renommée, il s’agit là d’acheter une valeur sûre. La modeuse se sens mise en valeur, mais surtout rassurée dans son achat. Décidée, elle tend alors la somme due à la vendeuse.
Ce n’est qu’en rentrant chez elle qu’elle découvre que la doudoune a été fabriqué au Bangladesh (oui, il fallait regarder l’étiquette avant) ; qu’il s’avère qu’il y a deux sortes de « plumes » – plume et duvet, bien plus noble – et que la doudoune est faite de plumes et non pas de duvet. Sans compter qu’il a fallu tuer un renard pour avoir cette belle fourrure. Alors non seulement elle a sacrifié son salaire, mais aussi un pauvre renard.
Le sentiment d’excitation post achat laisse place à une culpabilité grandissante qui tourmente la modeuse à tel point qu’elle devra calmer ses angoisses par un pot entier de glace à la vanille (certes, mais encore une fois il est justifié, ce pot de glace).
Elle aime avoir mal aux pieds
22h. De sortie.
Les talons, c’est un peu comme miser une somme à la roulette : on peut tout perdre comme on peut tout gagner. La modeuse peut avoir l’air classe, sexy et stylée, charmant tout le monde d’un coup de pied, ou elle peut avoir l’air, comment dire, ni classe ni sexy ni stylée.
Perchée sur ses dix centimètres neufs, les coudes sur le comptoir, l’air décontracté, la modeuse gère son allure en début de soirée. Elle est classe, sexy, stylée. Au fil des heures, la musique augmente, les corps s’agitent, elle danse avec grâce, puis son allure se dégrade, et pour ne pas avoir l’air d’un pingouin sur son iceberg, elle s’assoit. Elle commence sérieusement à avoir mal aux pieds et à envier du regard les filles en baskets :
Tout ce shopping pour ça ! Jamais plus je sors en talons, jamais plus !
Mais entre nous les filles, que l’on soit rentré pied nu de notre soirée, ou des sacs plein les mains avec le sentiment d’avoir trop ou mal dépensé (« j’aurai peut être dû le prendre en beige et non en bleu »), on sait bien que la prochaine fois, quand on aura le moral à zéro, on ira malgré tout faire du shopping.
C’est plus fort que nous, on est souvent plus accro aux choses qui nous font mal. Pourtant, on veut aussi être belle, heureuse et en pleine forme. Et bien, parfois il vaut mieux rester à la maison, et ne rien faire, se vider la tête et l’esprit, parce que la « beauté » passe avant tout par la sérénité.
Avis d’une modeuse !
* Etudes réalisées par des chercheurs de l’université de la Colombie Britannique qui sera publiée dans la prestigieuse revue Journal of Consumer Research
Illustrations tirées des films Shopaholic et Gossip Girl / Wicker Paradise / Ladurée