Irak : les acteurs du conflit
Depuis le 6 juin dernier et la prise de Mossoul, deuxième ville du pays, par les jihadistes de l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant), l’Irak est au bord de l’implosion. Snackable dresse la liste des différentes forces en présence alors que le conflit, qui menace la stabilité du marché pétrolier, pourrait rapidement s’internationaliser.
Les Sunnites :
- les tribus irakiennes : depuis la chute de Saddam, les tribus sunnites du nord-ouest de l’Irak, dont il était issu et qui étaient protégées par son régime, ont un comportement ambigu envers le nouveau pouvoir mis en place par les Occidentaux. Alliées des forces US et de l’armée irakienne face aux jihadistes par l’intermédiaire des Sahwa, milices sunnites anti-jihad, leur situation s’est dégradée depuis le départ des américains en 2011, avant de prendre un tournant dramatique en décembre dernier. Des sunnites, opprimés par le gouvernement chiite, se sont révoltés en masse et ont pris la ville de Falloujah, proche de Bagdad, avec le soutien de l’EIIL, leur ancien ennemi.
- l’EIIL : l’Etat islamique est né en Irak en 2006, à l’occasion de la fusion entre plusieurs groupes terroristes et des tribus sunnites. Battu dès la première année, le groupe s’est restructuré et a profité de la guerre civile syrienne en 2011 puis des excès du gouvernement chiite d’Al-Maliki en Irak pour se relancer en « jihadisant » les populations sunnites. L’entité s’est progressivement détachée d’Al-Qaïda pour prôner un jihad anti-chiite et la domination de l’ensemble du monde musulman. Brouillé avec l’armée syrienne libre et le Front Al Nosra (Al-Qaïda) en Syrie, l’EIIL s’est tourné en début d’année vers l’Irak, se renforçant en attaquant des prisons, en pillant les ressources des territoires occupés soumis à la charia et en s’accaparant le matériel abandonné par l’armée irakienne qui comprend des tanks et des hélicoptères de combat. De nombreux militaires irakiens ont également désertés pour rejoindre leurs rangs et retrouver les cadres de l’ancienne armée de Saddam. L’EIIL compte aujourd’hui près de 10 000 combattants en Irak.
Les Chiites :
- l’Etat irakien : les chiites sont majoritaires en Irak, où ils représentent entre 65 et 70% de la population. Opprimée par le régime baasiste de Saddam, la majorité chiite revient aux pouvoir lors de sa chute et la mise en place de la démocratie. Ce retour au pouvoir est suivi d’une exclusion progressive des sunnites des postes administratifs, militaires ou politiques. Contre l’avis de nombreux parlementaires chiites, le Premier ministre Al-Maliki réprima par la force des manifestations demandant plus d’égalité à l’approche des élections législatives, arrêta le député sunnite Ahmad al-Alwani et tua son frère. De quoi faire basculer une large partie des sunnites dans le camps des jihadistes. Aujourd’hui le gouvernement irakien est dans une situation d’urgence alors qu’aucune majorité ne s’est détachée lors des élections et que l’armée est en déroute face à l’EIIL.
- l’Iran : la République islamique d’Iran, pour qui l’avènement d’un « jihadistan » sunnite à ses frontières serait une menace mortelle, surveille avec attention les événements irakiens. Le régime chiite a déjà mobilisé les pasdarans, les troupes d’élite de la Garde républicaine, ainsi que ses milices de volontaires pour aller défendre les lieux saints présents en Irak et veiller au maintien du gouvernement d’Al-Maliki. L’Iran a en effet besoin d’une Irak pacifiée pour continuer à soutenir le président alaouite chiite Bachar el-Assad dans la guerre civile syrienne. De plus Téhéran, qui avait amorcé des discussions autour de son programme nucléaire avec les Occidentaux, pourrait en résolvant la crise irakienne faire un pas de plus vers sa réintégration dans la communauté internationale.
Les Kurdes : opprimés par Saddam, les Kurdes ont obtenu via la constitution irakienne de 2005 l’autonomie de leur province. L’armée du Kurdistan irakien, la Peshmerga, équipée en armement moderne par les Etats-Unis apparaît aujourd’hui comme la principale force capable de s’opposer à l’avancée de l’EIIL en Irak. Pourtant les deux camps sont restés relativement neutres depuis l’offensive des jihadistes sur Mossoul : la Peshmerga s’est déployée dans les régions délaissées par l’armée irakienne afin de protéger les populations kurdes locales. Elle a ainsi mis la main sur Kirkouk, berceau historique du peuple kurde et entend profiter au maximum de la nouvelle situation. Son aide dans la résolution du conflit devrait se monnayer à prix d’or et conduire à encore plus d’autonomie, si ce n’est l’indépendance, pour les 7 millions de Kurdes vivant en Irak.
Les Occidentaux : les pays occidentaux payent maintenant leur attentisme face à la situation syrienne. L’offensive de l’EIIL, qui vise notamment les principaux sites pétroliers irakiens, risque de déstabiliser l’économie mondiale. Bagdad a demandé officiellement de l’aide aux USA. Si le déploiement de troupes au sol est exclu par Washington, des frappes aériennes censées contenir l’avancée des jihadistes pourraient être ordonnées. Mais la Maison Blanche n’a pour l’instant donné aucun signe d’une quelconque intervention alors que la situation fait l’objet d’une reprise politique du camps républicain qui fustige le départ des troupes US en Irak ordonné par Obama. Les Américains envisagent même de possibles coopérations avec les Kurdes ou avec l’Iran, ces deux entités ayant beaucoup à y gagner. Mais Israël ne peut qu’être inquiet de l’émergence d’une alliance, même provisoire, entre Washington et Téhéran, alors que le régime iranien finance le Hezbollah, ennemi juré d’Israël au Liban.
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