Pour beaucoup de gens, fêter ses 25 ans est vécu de la façon suivante :
La raison la plus évidente à cette douleur est la réalisation du fait suivant :
Car oui, après 25 ans on ne peut plus vraiment vous appeler un jeune et ce même si la SNCF a fait passer l’âge maximum pour la carte jeune de 25 ans à 27 ans (une action qui a probablement augmenté le bonheur moyen en France de 10%, alors pardonnez leurs retards).
Et comme si ça ne suffisait pas de ne plus être jeune, une autre réalisation achève en général de déprimer les gens qui fêtent leur quart de siècle sur cette terre :
Alors si des personnes plus âgées lisent ce texte vous avez probablement envie de casser la tronche de ces petits cons qui osent se plaindre d’avoir 25 ans, surtout si vous êtes en pleine crise de la quarantaine/cinquantaine/soixantaine. Et vous avez raison, en relativisant, il y a pire dans la vie que d’avoir 25 ans.
Mais, chers amis qui viennent de terminer d’être jeunes, ne laissons pas la culpabilité nous empêcher d’être heureux et de comprendre pourquoi nous ressentons ce terrible cafard. Car les raisons vont plus loin que la simple réalisation de ne plus être jeune et ce sont ces raisons que l’on va expliquer dans cet article.
note : cet article traite plutôt de la crise des 25 ans vécue par ceux qui ont pu faire des études (et de surcroît des études assez longues, genre master) puisque dans ce cas, les 25 ans correspondent à peu près à l’arrivée sur le marché du travail (et on va voir que c’est important). Le but n’est pas de nier que cette crise ne puisse pas arriver à des gens qui n’ont pas fait d’études, c’est juste que je ne me sens légitime de parler que de ce dont je vis et que j’observe chez une bonne partie de mon entourage.
C’est quoi le bonheur
Le titre de cet article indique que ceux qui fêtent leur 25 ans sont malheureux, mais au final on peut se demander ce qui fait que l’on est heureux ou pas. Des milliers de personnes ont écrit des milliers de page sur ce sujet ultra complexe mais personnellement ma réponse préférée est celle apportée par le blogueur américain Tim Urban dans son fantastique article « why generation Y yuppies are unhappy » qui brille par sa simplicité :
Car oui au final c’est aussi simple que ça, si la réalité est conforme ou dépasse vos attentes, vous êtes heureux, si la réalité ne suit pas vos rêves et vos aspirations, vous êtes malheureux.
Tout est donc histoire de savoir quelles sont vos aspirations, vos attentes et comment vous ressentez la réalité. Tout en revient à cette équation et celle-ci est totalement chamboulée au moment du passage des 25 ans. Voyons pourquoi.
La période des études : fantasme de la réalité et attentes excessives
Je vous demande de revenir à la période probablement la plus bénie et heureuse de votre existence, je parle bien sûr de l’été qui a suivi votre bac. Vous avez terminé le fameux « rite de passage » comme disent les JT et vous l’avez peut-être même bien déchiré, ( petite mention au calme ) ce qui achève de booster votre ego et votre confiance en vous. L’année prochaine, vous serez étudiant, et vous êtes extatique (bon sauf si vous faites un truc genre prépa ou médecine, mais vous pensez à la grande école ou à la deuxième année qui suivra derrière). Vous avez raison d’être heureux, parce que vous abordez « les meilleures années de votre vie » comme disent les plus vieux.
Tout va déchirer, vous allez peut-être changer de ville, voire avoir votre propre appart, vous visualisez déjà votre année d’étude à l’étranger, tou(te)s les minet(te)s que vous allez pécho, les gens cools que vous rencontrerez, toutes les fois où vous vous bourrerez la gueule dans des putains de soirées (car vous avez le droit de vous bourrer la gueule à 18 ans, à 25 ans c’est plutôt considéré comme le premier pas vers l’alcoolisme).
Pendant vos études, les choses vont plutôt bien, alors oui vous choppez peut-être moins que prévu, vous n’avez pas eu votre première destination pour votre ERASUMS, vous vous rendez compte qu’en fait les fringues ne reviennent pas propres comme par magie chaque semaine et à quel point la bouffe était bonne chez vous.
Mais avoir les avantages d’un adulte (autonomie) sans les inconvénients (travailler) est plutôt agréable. De plus ce que vous faites est valorisé par la société, vous êtes jeunes, vous étudiez, c’est normal. (si en plus vous êtes dans un truc considéré comme « prestigieux », ce sentiment est exacerbé).
Bref votre vie est sur les bons rails.
A ce niveau la réalité est plutôt conforme à vos attentes et globalement ça va.
Mais mieux encore, la réalité n’a pas tant d’importance, car pour le moment vous étudiez, mais attendez que vous ayez terminé vos études, que le monde voit à quel point vous êtes brillant et spécial. Vous attendez votre moment pour exploser et votre vie suit cette direction dans votre tête :
Car oui, vous avez une incroyable ambition et êtes particulièrement confiant sur vos chances de vous réaliser. Cette ambition, cet optimisme est le fruit de la façon dont notre génération a été élevée.
Pourquoi notre génération est ultra ambitieuse
Parlons de nos parents.
Nos parents ont été élevés par nos grand-parents.
…
Parlons de nos grand-parents.
Nos grand-parents n’ont pas eu un début de vie très facile, alors qu’ils construisaient leur personnalité, leur vision du monde, ils ont vécu la pire guerre de l’histoire de l’humanité.
Le genre de truc qui marque quoi.
Quand ils ont élevé nos parents par la suite, ils leur ont enseigné une certaine vision du monde et de ce qu’on pouvait attendre de la vie.
Psychologiquement nos parents avaient donc des attentes plutôt modestes.
Mais nos parents ont plutôt bien réussi (parce qu’ils ont bossé dur et aussi trente glorieuses tout ça), et pour eux la réalité a globalement dépassé leurs attentes, ce qui a engendré un optimisme important.
Et puis ils nous ont élevés et ils nous ont transmis cet optimisme. Avec d’excellentes intentions, ils nous ont enseigné que l’on pouvait tout réussir dans la vie :
Et comme si ça ne suffisait pas, c’est toute la société qui a viré vers la recherche de l’accomplissement personnel, de la réalisation individuelle, un modèle qui s’est imprégné en nous via des publicités, des films ou des séries dans lesquelles des célibataires new-yorkais vivent dans des putains d’appart sans qu’on ne les voit jamais travailler.
Bref, le résultat, c’est que notre génération a un désir de s’accomplir, une confiance en elle et une ambition démesurée. Ce qui peut pousser à ce genre de pensées :
La réalité, le retour de la vengeance
Voilà comment la fin des études est vécue en vraie :
C’est brutal. Observez bien la douleur dans cette version gif.
Car maintenant, vous êtes face à votre réalité. Vous ne pouvez plus vous contenter de vous rassurer dans un futur fantasmé tranquillement assis sur les bancs d’un amphi. Non vous devez y aller, vous bouger, faire des choix et surtout, gagner un minimum de thune.
La société ne tolère plus que vous vous contentiez de profiter, vous avez bien étudié, vous avez eu votre temps, maintenant il est temps de faire des trucs d’adultes, contribuer à la société, payer vos impôts, faire un prêt à la société générale pour acheter une maison, fonder une famille et vous trouver un chien (bon ok, ça c’est tarpin cool).
Vous voilà obligé de construire votre réalité et vos attentes étaient tellement hautes que cette réalité vous décevra forcément. A vrai dire, vous voyez tout en noir :
Voilà bienvenue dans la réalité.
Ok normalement je devrais vous avoir foutu une déprime absolument monstrueuse, désolé pour ça. Mais ne vous en faites pas je vais pas vous laisser comme ça.
Quelques pistes pour s’en sortir
Etape 1. Accepter que la réalité n’est pas celle que l’on croit
Il y a une autre chose déprimante qui est entièrement spécifique à notre génération.
Alors que vous êtes en plein blues, vous décidez de vous détendre un petit peu en allant sur facebook, voilà ce que vous voyez :
Tout ça vous donne l’impression que tout le monde réussit parfaitement sa vie et accomplit toutes ces choses que vous ne pensez pas réussir.
Mais voici une vérité sur Facebook et la nature de ce que les gens partagent :
Je ne vous apprends rien en vous disant que partager ses doutes et ses problèmes existentiels n’est pas quelque chose de socialement accepté sur les réseaux sociaux. Car sur Facebook, chacun veut montrer la meilleure version de lui-même et rendre jaloux ses exs au passage.
La vérité, c’est que tout le monde galère, certains beaucoup plus que d’autres certes, mais ça vous ne le voyez pas. Alors ça vous le savez si vous avez un chouïa réfléchi à la question, mais c’est comme pour les publicités, vous savez que c’est pas la vérité, n’empêche que ça vous conditionne quand même insidieusement.
Bref, les autres sont aussi frustrés par leurs attentes excessives et ils pensent aussi probablement que vous êtes parfaitement épanoui. En vrai le succès et la vie rêvée n’arrive pas comme ça pour personne, cela demande des efforts.
Etape 2. Baisser ses attentes
Tout le monde ne peut pas être spécial, c’est logique, sinon spécial ne voudrait plus rien dire.
Cela revient donc à accepter que vous n’êtes pas spécial.
Oui et toi qui me lit et qui se dit « haha, il a raison de dire ça, tellement de gens se pensent spécial mais moi je le suis vraiment ».
Non tu ne l’es pas.
Ça fait mal à l’ego mais c’est comme ça, rassurez-vous en vous disant que vous êtes spécial pour certaines personnes, à vrai dire dès que vous croisez quelqu’un dans la rue ou n’importe où, vous pouvez vous dire que cet inconnu représente probablement le monde pour quelqu’un d’autre. Vous trouverez sûrement cette pensée réconfortante.
De plus très peu d’entre nous laissent une trace indélébile dans l’histoire, statistiquement vous pouvez partir du principe que vous n’en ferez pas partie.
Mais cela ne veut pas dire que vous ne ferez rien dans votre vie. Non restez largement ambitieux, il y a suffisamment de choses à améliorer sur cette terre pour que vous trouviez quelque chose d’épanouissant et d’utile mais il faut réaliser que cela demande du travail, énormément de temps et d’efforts, ça n’arrivera pas tout de suite et vous ne pourrez pas tout faire à la fois.
Voyons plutôt les choses comme ça :
Il est donc important d’avoir un plan en tête vers un idéal que l’on désire plus que tout, de la même façon qu’imaginer sa vie rêvée pendant vos études vous rendait heureux. Avoir la certitude que l’on passe chaque jour à travailler pour aller vers quelque chose de mieux et voir que l’on progresse doucement mais sûrement reste le meilleur moyen de passer la crise des 25 ans.
Ah et écoutez plein de musique, ça vaccine contre le malheur.
Bref, rendez-vous dans 15 ans pour un nouvel article « comment gérer la crise de la quarantaine ».
Ton article est génial, rassurant et flippant a la fois, la parfaite dose de réalisme et de recul dont j’avais besoin pour affronter cette douce crise des 25 ans!
Merci a toi!