Les Décodeurs, le service de fact-checking du Monde.fr, vient de fêter sa première année. Pour l’occasion, nous avons sélectionné quelques clichés sur la France démentis par leurs soins. Des idées reçues qui, bien que fausses, impactent tant le débat politique que l’idée que nous nous faisons de notre pays.
La France n’est plus bonne à rien
C’était mieux avant comme on dit ! Quand la France était à deux doigts de dominer l’Europe ou le monde, sous Louis XIV, Napoléon Ier ou après la Première Guerre mondiale. Depuis la déroute de 1940, la fin de notre empire colonial et des Trentes Glorieuses, le pessimisme règne quant à l’avenir de notre pays.
Pourtant, la France reste à la pointe dans de nombreux domaines :
Grâce à son riche passé, la France est le pays qui attire le plus de touristes au monde (84,7 millions en 2014, soit 7,7% de l’ensemble du tourisme mondial). Cependant, du fait de sa position géographique, une bonne partie de ces touristes ne sont qu’en transit et dépensent peu. L’Espagne, qui accueille 20 millions de touristes en moins, génère des revenus équivalent : autour de 50 milliards d’euros. En effet, la France attire principalement des Allemands, des Britanniques et des Belges (respectivement 13, 12,5 et 10,5 millions) dont la destination finale est l’Espagne ou l’Italie.
Et contrairement à ce qu’on pourrait penser à Paris – qui attire 56% des touristes – les Chinois ne représentent que 2% des touristes étrangers, mais leur nombre augmente d’un quart chaque année !
Si la France dispose d’un tel rayonnement à l’étranger, c’est qu’elle bénéficie de la réputation de son agriculture et de sa littérature. Notre pays est redevenu en 2014 le premier producteur de vin au monde devant l’Italie et reste le premier exportateur mondial de semence agricole. Frédéric Modiano est devenu l’an dernier le 15e Français titulaire du Prix Nobel de littérature, un record. Aussi, les produits de luxe français sont les plus réputés : sur 270 marques de prestige, 130 sont françaises et représentent 25% du chiffre d’affaires mondial du secteur. La France se place également au premier rang des constructeurs de voiliers de luxe. Un bon exemple avec ce graphique, qui illustre la consommation de produits de luxe en Chine :
Vu leurs prix, on peut également considérer les footballeurs français comme des produits de luxe : ils sont les plus représentés dans les quatre grands championnats européens (Espagne, Angleterre, Allemagne et Italie), devant les Brésiliens et les Argentins.
Enfin, la France est le pays le plus « nucléarisé » au monde et celui qui dispose du meilleur système de santé selon l’OMS.
La France est le pays où l’on travaille le moins
Quel pays de branleurs ! C’est l’image qu’ont beaucoup d’étrangers lorsqu’on évoque la France. Une image qui tend à se propager y compris chez nous, à chaque nouveau débat sur les 35h, ce « boulet » qui nous empêcherait de faire face à la crise.
Pourtant, nous sommes bien moins feignants que certains de nos voisins :
Ainsi, un Français travaille en moyenne 34,6 années, quand la moyenne européenne est à 35 ans. Mais c’est bien plus qu’en Italie (30,5), en Grèce (32) ou en Belgique (32,2) et légèrement plus qu’en Espagne (34,7). L’Allemagne et le Royaume-Uni nous dépassent, avec respectivement 37,5 et 38,1 années.
En un an, un Français va travailler 1478 heures. Ce chiffre place notre pays en queue de peloton, mais pas en dernière place, occupée par… les Pays-Bas et l’Allemagne ! Les Bataves et les Teuteus bossent en moyenne 1380 heures par an.
Et si l’on s’intéresse au travail hebdomadaire, la encore la France se situe au dessus de la moyenne européenne (37,5 heures contre 37,2) et devant une dizaine de pays, dont encore une fois les Pays-Bas (30), l’Allemagne (35,3), le Royaume-Uni (36,5) ou enfin l’Italie (36,9). Plus travailleurs que nous sont les pays touchés par la crise comme l’Espagne, le Portugal et surtout la Grèce !
Enfin, on insiste peu sur un dernier point : les Français comptent parmi les travailleurs les plus productifs d’Europe, seulement devancés par ceux travaillant en Norvège, au Luxembourg, en Irlande et en Belgique.
L’immigration en France est majoritairement issue d’Afrique
Beaucoup d’entre-nous, lorsqu’on parle d’immigration, visualisent ces bateaux bondés qui se lancent dans une traversée aussi spectaculaire que dramatique de la Méditerranée, laissant derrière eux l’Afrique, sa pauvreté et ses conflits. De quoi imposer l’image d’une immigration en forte hausse et principalement composée d’Africains.
Pourtant, la France est peu touchée par ce phénomène et les Africains ne représentent que moins d’un tiers de tous les immigrés :
Il faut faire attention lorsqu’on manipule ces chiffres, autant du fait des nombreuses sources souvent contradictoires que du fait des méthodes et dénominations employées. Il faut par exemple faire la distinction entre les immigrés (nés à l’étranger de parents étrangers, mais qui peuvent obtenir la nationalité française) et les étrangers qui vivent sur le territoire.
Ainsi, s’il y a en effet une hausse de l’immigration depuis trente ans, on est loin de l’explosion. Selon l’INED, on passe de 4 millions d’immigrés et 3,5 millions d’étrangers en 1982 à respectivement 5,4 millions et 3,7 millions en 2011. Mais la part de ces individus par rapport à la population française est assez stable, étant donné l’augmentation de celle-ci : on passe ainsi de 7,2 à 8,4% d’immigrés et de 6,3 à 5,8% pour les étrangers. Ainsi, la France est bien moins impactée par l’immigration que ses voisins allemands, anglais ou italiens. Elle compte aussi parmi les pays qui ont le moins d’étrangers sur leur sol.
Ensuite, s’il est vrai que l’immigration africaine est la plus importante depuis 1960, avec près de 2,6 millions d’individus (dont 1,9 million de Maghrébins), contre 1,8 million de personnes issues de l’UE, elle ne représente plus la majorité des nouveaux migrants.
Selon l’INSEE, environ 200 000 migrants entre en France chaque année, pour un solde migratoire positif de 90 000 individus. En 2012, 46% d’entre eux viennent d’Europe, contre 30% d’Afrique. Dix ans auparavant, ces taux étaient respectivement de 40 et 35% ! Néanmoins, dans d’autres articles des Décodeurs, ces chiffres sont inversés, en fonction des sources citées. Une chose est sûre : le poids de l’Afrique n’est pas écrasant dans les statistiques de l’immigration.
Reste un dernier point évoqué par les Décodeurs : le taux de qualification. 63% des migrants ont un niveau égal ou supérieur au bac. L’immigration la plus diplômée vient d’Amérique (79%) et d’Asie (71%), tandis que l’Europe est dans la moyenne (65%) et l’Afrique en dessous (53%). Toutefois, on remarque que le score européen est plombé par l’immigration portugaise, diplômée seulement à 27%. Ces deux fois moins que l’immigration originaire de Tunisie (61%) ou du Maroc (55%) !
Pourtant, 72% des Portugais immigrés en France ont un emploi au bout d’un an, contre seulement 31% des Tunisiens et 25% des Marocains. Dommage que les Décodeurs ne décodent pas cette étonnante réalité… Faut-il y voir la preuve que les migrants les moins qualifiés sont plus facilement employés pour les tâches dont personne ne veut en France ? Ou plutôt de l’importance du soutien de la communauté portugaise ? Ou encore de la discrimination envers les Maghrébins quant à l’accès à l’emploi ?